« Le continent Africain n’est pas encore mature à accueillir des projets innovants de recyclage pour faire face à la gestion des déchets par manque d’infrastructures suffisantes et il mettra plus de temps pour le faire », Telle est la phrase que j’ai entendue lors d’un échange avec un interlocuteur et qui a suscité en moi un sentiment de tristesse, d’incompréhension et de mécontentement. Nous en sommes encore à ce stade ? Voilà la question qui m’a traversé l’esprit lorsque cette phrase a été prononcée. Pourquoi cette fâcheuse tendance à considérer ce continent comme la dernière roue du carrosse, comme la dernière marche avant que tout ne s’effondre. Faisons donc le point.
Selon l’UN HABITAT, plus de 70% des déchets solides générés sont recyclables mais 4% seulement le sont actuellement. De plus, la banque mondiale dans son étude ‘’What a Waste 2.0,’’ indique que moins de la moitié des déchets produits en Afrique sont collectés de manière formelle. L’Afrique n’est pas prête à accueillir des projets innovants dans la gestion des déchets car elle n’a pas d’infrastructures nécessaires et suffisantes pour cela ? Et alors ? Pourquoi ne pas faire tout cela simultanément ? Cette excuse ne tient plus, il faut passer à l’étape supérieure.
L’Afrique comme tout autre continent est capable de mettre au cœur de ses politiques des solutions innovantes de gestion des déchets. Elle est tout aussi soucieuse de l’importance de l’impact environnemental, social, sociétal, économique et sur la santé de sa population comme le mentionne les cibles 6.3, 11.6, 12.3, 12.4 et 12.5 des ODD (les objectifs de développements durables). Dans cette transition écologique, l’Afrique doit prendre toute sa place d’autant plus qu’elle ne représente qu’environ 4% des GES (gaz à effet de serre).
Il est plus que temps de considérer l’Afrique comme un partenaire à part entière et non comme une adolescente à qui l’on doit et devrait répéter sans cesse ce qu’elle devrait faire. Il est plus que temps de lui laisser son autonomie afin qu’elle puisse enfin déployer ses ailes. Pourquoi l’Afrique est-elle encore minimisée et infantilisée dans son potentiel alors qu’il y a des femmes et des hommes qui s’investissent dans son rayonnement ? Elle a tous les atouts pour devenir une terre d’innovation.
Pourquoi certains qui disent l’aimer et voulant y investir, pensent encore qu’elle devrait être chaperonnée et s’octroient le droit de lui imposer les idées et les projets qu’ils estiment être meilleure pour elle sans tenir compte de son avis, de ses opinions ? Elle est capable de faire ses propres choix. Nous interagissons et ne pouvons avancer seuls c’est indéniable, aussi, l’Afrique aura également besoin de faire appel et de demander conseil. Mais cela n’induit pas que l’on devrait lui dicter sa conduite et son devenir.
Des investissements d’ampleurs sont en marche pour cette transition, AIF (Africa Investment forum) vient de présenter plusieurs projets durables et innovants d’une valeur de près de 1,5 milliard de dollars, dont l’investissement dans un projet d’expansion d’une entreprise de recyclage de plastique et de développement durable, d’une valeur de 73 millions de dollars, dans sept pays d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale et d’Afrique australe qui intègrera d’importantes fonctionnalités technologiques, notamment des lignes de traitement de pointe et des options de collecte et de paiement basées sur des applications.
La BAD (Banque Africaine de développement) et ses partenaires à travers son programme the African Youth Adaptation Solutions Challenge (Youth ADAPT Challenge) visent d’ici 2025 à financer plus 10 000 entreprises innovantes et durables dans les secteurs de la gestion de déchets entre autres. Tout cela démontre bel et bien la capacité de l’Afrique à être un laboratoire géant d’innovations.
Investir dans les projets de gestion des déchets innovants, est donc à sa portée. Les investissements déjà déployés, doivent croitre de manière exponentielle afin de faire du berceau de l’humanité le plus grand incubateur. Par conséquent, Investissement, soutien et initiative, expérimentations et concrétisations doivent être les maîtres mots d’avenir de l’Afrique.
Nelly Christelle DIAWARA
Présidente de la société EKLOZION
Finance et extra-finance
L’EconomisteSenegal