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vendredi, novembre 22, 2024

« Le Sénégal présente des perspectives de croissance robustes » (Edward Gemayel)

Dans un entretien avec Focus-Pays, Edward Gemayel, chef de mission du FMI pour le Sénégal, revient sur les perspectives économiques du pays et sur les principaux piliers des programmes récemment approuvés au titre du mécanisme élargi de crédit, de la facilité élargie de crédit et du fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité du FMI. Entretien

Après avoir ralenti à 4,7 % en 2022, la croissance du Sénégal devrait rebondir à plus de 5,3 % cette année, en partie sous l’effet de l’émergence de son secteur gazier et pétrolier. Il s’agit de l’une des plus fortes croissances d’Afrique subsaharienne. Le pays est toutefois confronté à plusieurs difficultés, notamment les répercussions de la guerre en Ukraine, le durcissement des conditions de financement et l’instabilité politique accrue dans la région. Le creusement du déficit budgétaire et l’augmentation de la dette publique constituent deux sujets de préoccupation majeurs.

 Quelles sont les perspectives économiques pour le Sénégal ?

La reprise vigoureuse de l’économie sénégalaise après la pandémie a été freinée par plusieurs chocs extérieurs. Par conséquent, les prévisions de croissance ont été révisées à la baisse, l’inflation a bondi, et les déficits budgétaire et courant se sont creusés. À cela s’est ajoutée une augmentation de la dette publique à plus de 76 % du PIB.

Le pays présente toutefois des perspectives de croissance robustes et ces dernières sont renforcées par la production de pétrole et de gaz, qui donnera un coup de fouet à l’économie au cours des prochaines années. La croissance devrait accélérer pour atteindre 10,6 % en 2024 et 7,4 % en 2025, tandis que la croissance hors hydrocarbures devrait s’établir aux alentours de 6 %, en supposant que les autorités appliquent des politiques macroéconomiques prudentes et qu’elles mettent résolument en œuvre des réformes structurelles dans le cadre des programmes appuyés par le FMI.

Conformément à la nouvelle règle budgétaire adoptée par les autorités, les recettes supplémentaires générées par les exportations de pétrole et de gaz seront mises de côté afin de maintenir le niveau de dépenses publiques au fur et à mesure que le pays effectuera sa transition vers les énergies renouvelables.

Quelle est la gravité de l’inflation ?

L’inflation a atteint son niveau le plus élevé depuis plusieurs décennies en 2022 à 9,7 %, principalement sous l’effet de la flambée des prix des denrées alimentaires, qui représentent près de la moitié du panier de l’IPC au Sénégal. Elle s’est depuis tassée aux alentours de 9 % et devrait tomber à environ 5 % d’ici à la fin de l’année, mais elle pourrait repartir à la hausse si les prix des produits de base restent élevés.

Les autorités sénégalaises ont réagi en augmentant les subventions aux combustibles et à l’électricité, qui ont bondi à près de 4 % du PIB, et en relevant les salaires du secteur public d’environ 20 %. En contrepartie, elles ont procédé à des coupes dans les investissements publics afin de maîtriser le déficit budgétaire. Afin de préserver la viabilité de la dette et de juguler l’inflation, il conviendra d’adopter des mesures décisives, notamment la rationalisation des exonérations fiscales et la suppression progressive des subventions à l’énergie ainsi qu’un meilleur ciblage des dépenses sociales afin d’atténuer les répercussions de la baisse des revenus réels.

 Le FMI et le Sénégal ont conclu un nouvel accord de financement sur 36 mois, pour un montant de 1,5 milliard de dollars. Quels sont les objectifs du programme ?

L’accord au titre de la FEC et du MEDC vise à aider le Sénégal à poursuivre son programme de réformes, qui repose principalement sur trois piliers : i) réduire les facteurs de vulnérabilité liés à l’endettement en engageant un rééquilibrage budgétaire crédible axé sur l’augmentation des recettes et la suppression progressive des subventions à l’énergie, ii) renforcer la gouvernance du secteur public et la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et iii) favoriser une croissance plus inclusive et alimentée par le secteur privé.

 Le Sénégal a également été admis à bénéficier de la facilité pour la résilience et la durabilité du FMI. Comment les fonds seront-ils utilisés ?

D’après la contribution déterminée au niveau national (CDN) du Sénégal, qui décrit les mesures que les autorités prévoient de prendre en faveur du climat au cours de la période 2023–30, les financements nécessaires pour couvrir les besoins liés aux mesures d’atténuation et d’adaptation s’élèveront à environ 7 % du PIB par an jusqu’en 2030. Les décaissements dans le cadre du programme triennal au titre de la facilité pour la résilience et la durabilité s’élèvent à environ 1 % du PIB, soit environ 324 millions de dollars. Ce programme devrait aider à mobiliser d’autres aides et financements auprès des partenaires pour le développement, tels que la Banque mondiale, le PNUD, la BUNDP, la BAfD et la BEI, en complément des ressources intérieures. Les grandes mesures de réforme entreprises au titre de la facilité pour la résilience et la durabilité portent plus particulièrement sur la suppression progressive des subventions non ciblées dans le secteur de l’électricité, l’adoption d’une stratégie de verdissement des transports publics, le recueil et la diffusion de données détaillées et géolocalisées liées aux risques climatiques, et l’intégration de considérations liées au changement climatique dans la procédure budgétaire.

 Le Sénégal a récemment signé un accord portant sur un « partenariat pour une transition énergétique juste » (PTEJ) avec les pays du G7 et l’Union européenne. Comment cet accord aidera-t-il le Sénégal à mettre en œuvre des réformes en faveur du climat ?

Le 22 juin, le Sénégal a signé, avec les pays du G7 et l’Union européenne, un accord de prêt dans le cadre d’un PTEJ, pour un montant de 2,7 milliards de dollars. Les PTEJ ont pour objectif principal de combler l’écart entre les pays développés et les pays en développement dans la transition vers une énergie propre. L’Afrique du Sud, l’Indonésie et le Viet Nam sont les trois premiers pays à avoir signé un accord de ce type. Dans le cas du Sénégal, ce partenariat vise à aider le pays à i) mettre au point une stratégie de résistance au changement climatique dans le secteur énergétique, ii) augmenter la part des sources d’énergie renouvelables, iii) améliorer le stockage d’énergie et la stabilité des réseaux électriques, et iv) créer des emplois durables. Cet accord témoigne de la détermination du Sénégal à accélérer la transition vers une énergie propre, dans le cadre de sa CDN.

 Nous avons récemment assisté à des mouvements de protestation massifs dans le pays. En quoi pourraient-ils avoir des répercussions sur les réformes prévues ?

Le Sénégal est un pôle de stabilité important en Afrique de l’Ouest, et les autorités ont constamment prouvé leur volonté de mettre en œuvre des réformes ambitieuses.  Nous encourageons toutes les parties prenantes à résoudre pacifiquement leurs désaccords politiques. Cela sera essentiel pour que le Sénégal puisse appliquer ses ambitieux projets de réforme et tirer pleinement parti de son potentiel économique.

L’EconomisteSenegal

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