La ville animée d’Accra est le théâtre d’une transformation discrète, mais remarquable. L’air, autrefois chargé de gaz d’échappement et du bourdonnement des générateurs diesel, s’imprègne peu à peu d’une nouvelle vitalité. Comme dans d’autres villes du continent, des panneaux solaires brillent sur les toits, tandis que les vendeurs des rues en contrebas font la promotion de leurs produits à l’aide de stations de recharge alimentées par l’énergie solaire. Dans les endroits où les coupures de courant perturbent le quotidien et entravent les activités commerciales, la transition vers l’énergie verte n’est pas seulement un pas vers un avenir plus durable, mais aussi une bouée de sauvetage qui apporte des améliorations tangibles à la vie quotidienne de millions de personnes.
La crise énergétique qui secoue l’Afrique s’ajoutent les préoccupations liées au changement climatique aux problèmes aigus que sont le manque d’accès à l’électricité pour la moitié de la population, le besoin urgent d’industrialisation et les conséquences sanitaires des pratiques culinaires traditionnelles. Il s’agit d’une grave menace pour l’avenir du continent.
L’Afrique, qui abrite un sixième de la population mondiale, représente moins de 6 % de la consommation mondiale d’énergie et produit à peine 2 % des émissions mondiales cumulées. Paradoxalement, le continent subit les conséquences les plus graves du changement climatique alors qu’il reçoit moins de deux pour cent de tous les investissements dans les énergies renouvelables au niveau mondial. Cette dure réalité souligne l’importance des enjeux liés à la mise en place d’une transition énergétique durable sur le continent.
Le moment est venu de donner la priorité à la transition énergétique durable de l’Afrique et de libérer son vaste potentiel. Le Plan directeur 2019 pour les énergies renouvelables du Ghana prévoit d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la production nationale d’énergie de 42,5 MW en 2015 à 1 363,63 MW en 2030, soit environ 10 % de l’énergie totale nécessaire. Pour atteindre cet objectif, le pays investit dans des projets éoliens, solaires, hydroélectriques et de biomasse, et a attiré d’importants investissements internationaux dans son secteur des énergies renouvelables. De nombreux autres pays africains n’ont pas encore entamé de transition énergétique durable, en raison d’un financement insuffisant et de cadres réglementaires médiocres.
La croissance démographique et l’urbanisation rapide de l’Afrique signifient que la transition verte n’est pas facultative : les ambitions de développement de l’Agenda 2063 ne peuvent être atteintes sans elle. Le continent dispose d’abondantes ressources en énergies renouvelables, notamment solaires, éoliennes et hydroélectriques. En passant à des sources d’énergie plus propres, l’Afrique peut créer des millions d’emplois, stimuler la croissance économique et améliorer la santé publique. Le lien entre le commerce et la transition écologique mérite également une attention particulière, notamment dans le contexte de l’accord de libre-échange continental africain.
La transition verte et l’accès à l’énergie font partie de l’alliance stratégique de l’UE avec l’Afrique, qui œuvre en faveur d’infrastructures résilientes et d’un accès à l’énergie plus propre, plus durable et plus sure. L’objectif commun de l’Afrique et de l’Europe est de garantir l’accès à une énergie abordable, fiable, durable et moderne pour tous, dans le cadre de l’objectif de développement durable numéro sept. Si l’on accorde à juste titre beaucoup d’attention aux énergies renouvelables à grande échelle, il ne faut pas pour autant négliger les solutions hors réseau pour l’accès à l’électricité et la cuisine propre. Les sociétés de distribution du continent africain doivent devenir plus viables financièrement, et il est nécessaire d’accroître les interconnexions des réseaux de transmission et l’efficacité énergétique.
Les pays africains eux-mêmes ont un rôle essentiel à jouer dans l’obtention de financements pour la transition énergétique. Ils peuvent y parvenir en créant un environnement propice aux investissements du secteur privé, y compris des cadres réglementaires et des politiques fiscales. En outre, le
renforcement des capacités de préparation des projets et la conception de projets bancables capables d’attirer les investissements devraient être une priorité absolue.
Cependant, la responsabilité incombe également aux pays riches. Le changement climatique est un défi mondial, qui exige que les économies avancées soutiennent celles qui le sont moins dans leur quête d’un avenir sans émissions. Outre l’aide financière, les pays africains ont besoin d’une expertise technique.
La réussite de la transition énergétique en Afrique dépend de la capacité à surmonter des obstacles importants tels que les déficits de financement, l’inadéquation des infrastructures et les obstacles réglementaires. C’est pourquoi les partenariats internationaux, ainsi que les programmes de recherche, d’innovation et de formation sont essentiels. En réunissant les parties prenantes essentielles et en dotant les professionnels des outils nécessaires, les universités peuvent accélérer la transition vers un secteur de l’énergie durable en Afrique, libérant ainsi tout le potentiel du continent.
Conscients de ce besoin pressant, l’École de gouvernance transnationale de l’Institut universitaire européen, la Fondation africaine pour le renforcement des capacités, l’Institut de recherche statistique, sociale et économique (ISSER) de l’Université du Ghana et l’École africaine de régulation unissent leurs forces. Du 5 au 7 juillet 2023, à Accra, au Ghana, les partenaires organiseront une conférence et un programme de formation des cadres, qui rassembleront des professionnels ouest-africains de haut niveau et en milieu de carrière pour approfondir les questions clés liées à la transition énergétique de l’Afrique.
La conférence étudiera les voies et moyens dont disposeront les parties prenantes essentielles des secteurs public et privé pour collaborer pour accélérer la transition vers un secteur énergétique plus durable en Afrique de l’Ouest, en mettant l’accent sur le financement du climat. Des représentants du gouvernement ghanéen, de l’Union africaine, de l’Union européenne, d’organisations multilatérales, d’institutions financières, d’établissements universitaires, d’entreprises énergétiques, de régulateurs, ainsi que des acteurs du climat et du développement durable, participeront à cette conférence.
Dans les jours qui suivent, un programme de formation spécifique apportera aux professionnels en milieu de carrière et aux cadres supérieurs les connaissances et les outils nécessaires pour développer et mettre en œuvre des projets financièrement viables qui libèrent le potentiel des pays africains dans leur cheminement vers un avenir à consommation nette zéro.
La transition énergétique durable de l’Afrique est non seulement essentielle pour le développement économique et social du continent, mais aussi pour relever le défi mondial du changement climatique. Si les nations africaines doivent mener cette transformation, la collaboration internationale est indispensable à sa réussite. Il faudra s’assurer que les décideurs politiques et les praticiens ont accès aux meilleures connaissances disponibles dans cette entreprise collective, ce qui signifie que nous devons réunir les secteurs public et privé, ainsi que les deux continents. Il est temps d’agir et, ensemble, nous pouvons faire en sorte que la transition énergétique durable de l’Afrique devienne une réalité.
Professeur Renaud Dehousse, Président de l’Institut universitaire européen
Mamadou Biteye, Secrétaire exécutif de la Fondation africaine pour le renforcement des capacités Professeur Peter Quartey, directeur de l’université
Professeur Ignacio Perez-Arriaga, directeur intérimaire de l’École africaine de régulation
L’EconomisteSenegal